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Les jeunes sportifs de haut niveau
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29 mars 2018

Concours de nouvelle : Histoires de sport

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La médiathèque Nelson-Mandela de Gardanne, ainsi que les médiathèques de Meyreuil et SimianeCollongue, organisent un concours de nouvelles sur le thème du sport appelé "Histoires de sport".

Le concours est gratuit et ouvert à tous, vous pouvez trouvez plus de renseignements sur ce lien : histoiresdesport_reglement

 

Voici la nouvelle que j'ai rédigé :

 

"Levé à 4:30. Je me sens prêt et reposé. Aujourd’hui c’est la grande finale des séries mondiales de triathlon. Plusieurs mois que je m’entraîne spécialement pour cette compétition. Je suis déjà champion olympique. Mon nom est Alistair Brownlee, mon frère Jonathan pratique le même sport que moi. On s’entraîne ensemble et on partage tout, il est de deux ans mon cadet. Ce qui explique sûrement que je suis généralement mieux classé que lui. Je déjeune de manière à ne pas avoir faim d’ici deux heures, j’avalerai ensuite des fruits secs peu avants le départ mais j’ai besoin de mes trois heures de digestion pour être au top. Le départ se fait à 7:30. Je ne sais même pas si j’ai récupéré du décalage horaire mais je n’ai pas le temps d’y penser. Après le petit-déjeuner, c’est le moment de se concentrer, j’étire mes muscles tout en écoutant et contrôlant ma respiration. Je visualise le parcours et ses difficultés : 1,5 kilomètre de natation, 40 kilomètres de vélo et 10 kilomètres de course à pied. En moins de deux heures  c’est bouclé. L’effort est intense. Je me fais masser une dernière fois avant le départ et je commence à m’échauffer. Je reste dans ma bulle, j’évite le regard de mon frère et je me concentre sur mes sensations. Mon genou me tire légèrement, ma dernière blessure n’est pas encore complètement guérie. Je souffle et j’évacue la pression qui commence à m’envahir. Les battements de mon cœur ralentissent un peu. Jonathan et moi nous dirigeons vers le départ. Je suis confiant. Mes dernières séances d’entraînement ont montré que j’étais en forme et que j’avais récupéré de la dernière grosse compétition.

 

Dès que le départ est donné je me jette à l’eau et je nage le plus rapidement possible pour m’extirper du peloton et ne pas être gêné. Après plusieurs centaines de mètres je me retrouve dans le groupe de tête et je nage librement, sans entrave. Je n’ai pas le temps de voir si mon frère a suivi le rythme, je vérifierai en sortant de l’eau.

 

Une fois que je pose les pieds sur la terre ferme, je retire bonnet et lunettes et je cours vers mon vélo, un rapide coup d’œil derrière mon épaule me permet de voir que mon frère est bien classé. Le moment de la transition est primordial, il faut être extrêmement rapide et ne pas perdre une seconde. Les pieds dans mes chaussures de vélo et je ne pense déjà plus à Jonathan. L’objectif est de terminer l’épreuve de vélo en première position afin d’être à l’aise pour la course à pied et conforter mon avance durant les dix kilomètres restants.

 

Je suis actuellement en deuxième position derrière le sud-africain. La montée qui se trouve devant moi me casse les jambes rien qu’en la regardant. J’entends un souffle régulier juste derrière moi. En quelques secondes mon frère me double sur la droite. Enfin, doubler, c’est un gentil mot. Il me dépose littéralement. Mon moral en prend un coup. Je ne désespère pas et j’accélère afin de recoller les deux premiers.

 

Les muscles de mes jambes me brûlent, j’appuie encore plus fort sur les pédales. Cinq kilomètres avant de poser le vélo, j’aperçois le sud-africain au bout de la grande ligne droite qui se présente sous mes yeux. Des gouttes de sueur dégoulinent de mon front jusqu’à mes avant-bras comme des larmes que mes muscles laisseraient couler tant l’effort me coûte. Je ne compte pas pour autant ralentir le rythme. Au contraire j’accélère la cadence et je pose mon vélo deuxième ex aequo.

 

Lorsque mes pieds touchent le sol, je sais que les dix derniers kilomètres vont être terribles et que je vais devoir aller puiser dans des réserves que je ne suis pas sûr d’avoir. Tout ce que je sais c’est que mon frère est en tête et que le sud-africain continue de me coller. J’ai pourtant essayé de le détacher trois fois. Ce qui m’a coûté de l’énergie précieuse.

 

Je vois des fans derrière les barrières qui crient mon nom et m’encouragent. Je les vois mais je ne les entends pas. Je n’entends plus rien d’ailleurs. À part les battements de mon cœur. Je connais mes capacités en course à pied, je cours les dix kilomètres en moins d’une demi-heure. Connaissant mon frère, il se trouve largement au-dessus de ses capacités, il va le payer dans les dernières minutes.

 

Quatre kilomètres avant la ligne d’arrivée, je discerne Jonathan à une centaine de mètres devant moi. Je n’ai toujours pas réussi à distancer le sud-africain et ça commence à sérieusement m’agacer. Je sens son souffle dans le creux de ma nuque, il semble près de craquer mais cela fait trois kilomètres que je pense qu’il va lâcher.

 

Il ne reste plus que six cent mètres de course. Je suis préparé pour ça. Mon corps est une machine et il est programmé pour accélérer en fin de parcours. Accélérer et doubler mon frère avant l’arrivée. Ce à quoi mon organisme n’est pas préparé c’est de voir mon frère vaciller. C’est de voir mon frère ne plus tenir sur ses jambes. C’est comme si tout se passe au ralenti. D’abord ses foulées se font moins régulières, puis sa démarche moins assurée et finalement ses mains touchent le sol. À ce moment-là deux choix se présentent à moi : être champion du monde ou être humain. Cette part d’humanité qui reste en moi après avoir passé une heure quarante à tout faire pour l’anéantir et ne plus rien ressentir. Pour pouvoir faire le travail jusqu’au bout. C’est ce lien si fort qui me lie à mon frère qui fit disjoncter la machine que j’avais passé des années à forger.

 

Je ne crois même pas que j’ai réfléchi plus d’une seconde. Je pris Jonathan par l’épaule et le força à se lever et à courir les trois cents derniers mètres qui nous séparaient de l’arrivée. Le sud-africain nous passa à côté mais je ne lui accordai même pas un regard. Plus qu’une seule chose comptait pour moi maintenant : aider mon frère à finir."

 

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